Port Segundo, le 8 avril 1927.
Ma très chère Ursula,
je profite d’une très courte escale pour te griffonner quelques nouvelles qui, j’espère, te parviendrons.
Par chance, ici, la liaison postale semble encore fonctionner, ce qui est exceptionnel dans le pays.
Pour le reste, le peu que j’en ai pu voir ne donne guère d’occasion de se réjouir.
Depuis notre séparation j’ai l’angoissante sensation de ne pas parvenir à distancer le chaos.
La chaleur reste éprouvante et n’arrange pas la fièvre de Marie.
Elle reste désespérément faible et détachée de tout.
Malgré tout je me surprends à penser, que pour elle, le pire est passé.
Mes inquiétudes sont toutes tournées vers toi.
Quelle folie ton entêtement à ne pas vouloir partir.
Je t’entends déjà grincer contre ma propre tête de mule.
Oublions cela.
Je t’en prie donne moi de tes nouvelles.
Je ne sais pas quand nous parviendrons à San Cristobal del agua, mais tu peux, si tu le veux, m’écrire là-bas, aux bons soins de notre ami J.A.
J’entends le Capitaine qui s’apprête à descendre à terre, je dois lui confier cette missive, car bien évidemment nous sommes consignées à bord.
Soit persuadée que tout mon amour te reste acquis.
Ta dévouée M.
Villa Cavanelse, 11 novembre 1927.
M, ta lettre vient de me parvenir, après bien des aléas semble-t’il.
C’est J, qui bravant la milice, est venu me la remettre.
Car bien sur désormais la milice contrôle tout et le reste.
Je te dois de reconnaître que tu avais raison, rester ne servait à rien.
Je ne peux rien faire ici pour combattre le mal qui ronge le pays et qui, au train où vont les choses, l’aura paralyser avant la nouvelle année.
Nous avons interdiction de sortir de la propriété et de ce fait pratiquement plus aucun contact avec l’extérieur.
Hormis J personne n’ose plus nous rendre visite, ce qui ne fait que rajouter au chagrin.
Les seules pensées heureuses qui me restent sont toutes liées à toi.
Je me laisse aller à rêver qu’avec toi c’est un peu de ma liberté qui survivra.
Mais j’entends J qui s’apprête, il me faut terminer là.
Rester trop longtemps ici ne peux que lui nuire.
Bien plus qu’à nous.
Ne nous reste que ce dont nous avions parlé au pied du pommier.
Ne tente rien d’irréparable, sauve Marie.
Ursula.
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